Yukido
de face
       l'irrespirable

comme
ici la face par quoi encore

respirer.

andré du bouchet, 'le surcroît'

Origines

Le seitai est un art du soin fondé au Japon par Haruchika Noguchi (1911-1976). Sa partie technique demande de longues années d’apprentissage et n’est transmise à ce jour qu’au Japon.

Dans les années 70, un élève de Noguchi, Itsuo Tsuda (1914-1984), s’installe en France et transmet la partie non-technique du seitai : le katsugen undo et le yukiho.

Andréine Bel rencontre Tsuda à son arrivée en Europe. Après des dizaines d’années de recherche, et croisant le seitai avec le reboutage, elle nomme aujourd’hui sa pratique le yukido. Elle en expose la conceptualisation dans son ouvrage Le corps accordé.

J’ai rencontré Andréine Bel en 2003 et pratique depuis cet art du soin domestique dans ma vie quotidienne. Je l’ai parfois partagé au sein d’ateliers réguliers ou ponctuels.

En 2017 j’ai co-écrit une présentation de Le Corps accordé avec Mickaël Crampon.

Mouvement régénérateur (katsugen undo)

Il y a dans le corps une activité involontaire sur laquelle nous n’avons pas de prise directe, comme par exemple les battements du cœur ou la digestion. Une autre forme d’activité est semi-volontaire : nous ne pouvons pas la provoquer mais nous pouvons l’empêcher ou la modifier ; par exemple, nous ne pouvons pas éternuer volontairement, mais nous pouvons exagérer ou retenir volontairement ce mouvement qui nous vient.

Ces mouvements, de tout ordre et propres à chacun et à chaque instant, sont précieux pour notre santé car ils produisent des ajustements constants du corps à son milieu interne et externe. Il sont souvent la cible de l’éducation, du savoir-vivre et des préjugés, qui entravent alors ce travail d’ajustement.

La pratique du mouvement régénérateur est un temps privilégié pendant lequel nous suspendons toute volonté pour laisser place à cette activité semi-volontaire, dans son expression la plus simple.

Accompagnement avec les mains

Tsuda a transmis le yukiho, qui désigne une certaine qualité d’accompagnement avec les mains. Il invitait ses élèves à découvrir d’eux-mêmes, par la pratique, leur capacité à accompagner le corps vivant.

C’est en suivant cette indication qu’Andréine Bel a développé sa propre approche. Son point de départ pour transmettre la pratique aujourd’hui est d’indiquer le “toucher de la sensation interne”, qu’elle définit ainsi dans son glossaire : “Désigne en yukidō le contact entre deux sensations internes, celle de la main avec celle de la partie accompagnée. La main fait abstraction des sensations externes à elle pour percevoir la température, la consistance et le mouvement internes des flux qui animent les organes et fluides corporels. »

Tsuda avait formulé en son temps l’indication d’être au moment de la pratique “sans connaissance, sans technique et sans but”. Lorsque nous accompagnons avec les mains, nous ne cherchons pas à guérir l’autre, nous ne nous appuyons pas sur des croyances et des interprétations, ni sur des techniques manuelles. Nous développons peu à peu notre sensibilité et notre savoir singulier, par l’exercice et par l’échange.

Voilà comment je présentais un atelier d’accompagnement avec les mains au printemps 2017 : “Nos mains ont la capacité peu connue d’accompagner le corps vivant. Hors des sentiers des techniques manuelles, sans intention de quoi que ce soit, en considérant avec scepticisme notre folle envie d’interpréter, juste par l’attention à ce qu’il se passe. Nos repères sont les flux de températures, de consistances et de mouvements indiqués par les sensations internes des mains. Le temps n’est plus celui de la conquête, mais celui du vivant qui se déploie à son rythme lorsqu’il n’est pas traqué. Il nous faudra prendre patience…”